Un tacle mal maĂźtrisĂ©, un entraĂźnement trop intensif : dans lâunivers du sport professionnel, la responsabilitĂ© civile des acteurs (sportif et du club) devient un enjeu majeur. Halt Avocats vous propose un panorama de la jurisprudence rĂ©cente rendue sur ce type de contentieux, pour vous permettre d’anticiper et Ă©viter les risques.
Blessure pendant la pratique sportive : Ă qui la faute?
La responsabilité personnelle du sportif
La responsabilité du sportif en cas de blessure infligée à un tiers
Le sportif professionnel, mĂȘme en pleine action de jeu, nâest pas Ă lâabri dâune mise en cause personnelle lorsqu’il blesse un tiers. Lorsquâune action de jeu sort du cadre des rĂšgles ou implique un excĂšs dâengagement, la responsabilitĂ© civile du joueur peut ĂȘtre engagĂ©e personnellement.
Il y a trois conditions :
- la faute commise doit ĂȘtre intentionnelle (on entend par lĂ une manoeuvre dangereuse excĂšdant les risques normaux acceptĂ©s dans la pratique du sport) : par exemple, on ne saurait reprocher Ă un boxeur de porter des coups Ă son adversaire.
- la faute commise doit ĂȘtre suffisament grave
- elle doit porter atteinte Ă la sĂ©curitĂ©/l’intĂ©gritĂ© physique de la victime
Câest le cas notamment dâun tacle en futsal ayant causĂ© une double fracture (cheville et pĂ©ronĂ©) : la cour dâappel de Pau a considĂ©rĂ© que le geste, constitutif dâune faute grossiĂšre, nâentrait pas dans le cadre du jeu, engageant la responsabilitĂ© civile du joueur (CA Pau 15 octobre 2024, n°23/00517) ; pour un arrĂȘt en sens contraire, voir CA Pau, 7 juin 2022, n°19/02504
Il convient d’examiner le cas plus particulier de la force majeure, qui est exonĂ©ratoire de responsabilitĂ© pour autant qu’elle est rĂ©ellement imprĂ©visible, irrĂ©sistible, et extĂ©rieure Ă l’auteur.
Or, les juges ont tendance Ă rĂ©duire l’application de la force majeure aux compĂ©titions sportives. Par exemple, dans le cas dâun accident de ski-cross lors dâune collision, la Cour de cassation a refusĂ© dây voir un cas de force majeure, jugeant que ce risque Ă©tait prĂ©visible en compĂ©tition (Cour de cassation, 19 septembre 2024, n°23-10638).
đ Ce quâil faut retenir : la protection offerte par le principe dâacceptation des risques a ses limites. Un geste jugĂ© dangereux ou un comportement dĂ©loyal peut exposer le sportif Ă engager sa responsabilitĂ© et in fine, Ă rĂ©paration financiĂšre.
La responsabilité du sportif concernant ses propres blessures
Le joueur blessĂ© peut, lui aussi, adopter un comportement fautif susceptible d’entrainer son Ă©viction.
Analysons sur ce point la dĂ©cision de la cour dâappel dâAix-en-Provence (arrĂȘt du 25 avril 2025, RG n° 22/01705), confirmant un jugement du conseil de prudâhommes de Marseille qui avait validĂ© la rupture anticipĂ©e du contrat Ă durĂ©e dĂ©terminĂ©e (CDD) dâun footballeur professionnel pour faute grave.
âïžLes faits
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Le joueur était blessé au pied droit et devait suivre un programme de soins imposé par son club.
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Il a nĂ©anmoins participĂ© sans autorisation ni information prĂ©alable au tournage de lâĂ©mission Fort Boyard.
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Durant cette émission, il a effectué des épreuves à risque (lutte dans la boue, saut catapulté à 80 km/h pieds attachés), en contradiction avec sa blessure.
đ Fondements de la faute grave
La cour a considéré que cette participation :
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Constitue une activité acrobatique prohibée au sens du rÚglement intérieur du club.
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Représente un refus délibéré de suivre les soins prescrits.
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Met en lumiĂšre un manquement Ă lâobligation de loyautĂ© et de subordination, en lien avec :
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Les articles 15, 16 et 10.2 du rÚglement intérieur ;
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Lâarticle 511 de la Charte du football professionnel.
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En outre, le joueur a menti à son entraßneur au sujet de son état de santé et de ses activités, ce qui a aggravé son insubordination.
La responsabilité du club sportif ou du tiers organisateur de la compétition
Les clubs sportifs, dĂšs lors quâils organisent, encadrent ou contrĂŽlent lâactivitĂ© de leurs licenciĂ©s, sont Ă©galement juridiquement exposĂ©s :
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en tant que commettant du joueur fautif (responsabilitĂ© du fait dâautrui â art. 1242, al. 5 C. civ.) ;
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ou sur le fondement dâun manquement Ă une obligation de sĂ©curitĂ©, notamment sâils nâont pas correctement assurĂ© ou encadrĂ© lâĂ©vĂ©nement.
Cette obligation de sĂ©curitĂ© est une obligations de moyens et non rĂ©sultats, c’est Ă dire que le club ou l’organisateur doit faire ses meilleurs efforts pour assurer la sĂ©curitĂ© des participants (ex. Cour de cassation, 9 mai 2019, n°18-18127).
Cette obligation couvre tant les manifestations sportives que les entrainements réalisés sous le controle du club.
Prenons pour exemple un arrĂȘt de la Cour d’appel de Toulouse rendu le 20 septembre 2023 (21/04615) dans le cadre d’une compĂ©tition de rugby universitaire.
M. [Z] [E], Ă©tudiant et joueur amateur, a Ă©tĂ© griĂšvement blessĂ© au genou lors dâun match de rugby universitaire organisĂ© par le CRSUT et la FFSU. Il invoque la faute des organisateurs pour avoir laissĂ© participer un joueur non licenciĂ©, M. [L] [W], joueur de niveau professionnel, ayant usurpĂ© une identitĂ©. Ce dernier, selon plusieurs attestations, aurait infligĂ© un plaquage particuliĂšrement violent Ă lâorigine du dommage.
La Cour rappelle que les organisateurs dâune compĂ©tition sportive sont tenus dâune obligation contractuelle de sĂ©curitĂ©, de prudence et de diligence (art. 1231-1 du Code civil). Si, en principe, cette obligation est de moyens, elle est renforcĂ©e pour les disciplines dangereuses comme le rugby.
La Cour relĂšve que :
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M. [E] était un joueur amateur ;
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M. [W] disposait dâune formation de haut niveau (Top 14, FĂ©dĂ©rale 2) ;
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la blessure est intervenue dans une phase de jeu (un plaquage) mais avec une intensité excessive compte tenu du niveau du match.
â ïž Le caractĂšre normal dâun acte sportif (ici, le plaquage) peut devenir fautif lorsquâil excĂšde les standards admis Ă ce niveau de jeu.
La thĂ©orie de lâacceptation des risques est Ă©cartĂ©e : un joueur amateur nâa pas Ă accepter le risque dâaffronter un joueur professionnel non identifiĂ© comme tel.
đ Ce qu’il faut retenir : les clubs sportifs peuvent ĂȘtre responsables seuls ou conjointement avec l’auteur de la blessure, s’ils n’ont pas mis en oeuvre les mesures de protection nĂ©cessaires Ă la protection des participants, lesquelles doivent ĂȘtre adptĂ©es et proportionnĂ©es par rapport au sport ET aux joueurs (Ăąge, aptitudes sportives…)
Anticiper le contentieux en adoptant les bonnes pratiques
Le comportement des joueurs, sur le terrain comme en dehors, engage directement la responsabilitĂ© disciplinaire et civile du club. Il est donc essentiel dâinstaurer un cadre clair de conduite, accompagnĂ© de mĂ©canismes pĂ©dagogiques et rĂ©pressifs adaptĂ©s.
Pour cela, plusieurs bonnes pratiques sâimposent :
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Adopter un code de conduite interne : Ce rĂšglement, signĂ© par les joueurs dĂšs leur intĂ©gration, doit rappeler les valeurs du club, les comportements attendus (respect des adversaires, de lâarbitre, des rĂ©seaux sociaux), et les sanctions applicables en cas de manquement
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Inclure dans les contrats des clauses disciplinaires et de représentation : Ces clauses doivent préciser les obligations de respect, les comportements proscrits (violence, dopage, propos discriminatoires), ainsi que les conséquences contractuelles possibles (avertissement, mise à pied, voire rupture anticipée pour faute grave)
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PrĂ©voir des sĂ©ances de formation rĂ©guliĂšres : Elles permettent de sensibiliser les joueurs aux enjeux dâimage, de harcĂšlement, de responsabilitĂ© numĂ©rique, ou encore de gestion du stress et de la frustration sur le terrain
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Mettre en place une cellule de médiation ou un référent comportement au sein du club pour favoriser la gestion rapide des tensions internes et des conflits entre joueurs
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Encourager lâauto-discipline et le leadership positif : Promouvoir des capitaines ou leaders dâĂ©quipe exemplaires, capables de recadrer leurs coĂ©quipiers et dâassurer la cohĂ©sion sans attendre lâintervention de la direction technique.
Responsabilité des sportifs et clubs sportifs : comment Halt Avocats vous accompagne
Nous auditons les contrats de sponsoring ou dâimage afin de vĂ©rifier qu’ils intĂšgrent bien des clauses spĂ©cifiques :
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Clauses de responsabilitĂ© et dâassurance,
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Encadrement des activités annexes ou hors compétition,
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Sanctions disciplinaires internes.
La prĂ©cision rĂ©dactionnelle protĂšge le club comme le joueur, Ă©vite les conflits dâinterprĂ©tation et facilite la rĂ©solution amiable en cas de litige.
Halt Avocats intervient en contentieux civil, selon la nature de la faute :
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Ăvaluation du prĂ©judice corporel ou financier,
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Mise en cause ou défense du joueur ou du club,
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Négociation ou défense contentieuse.