L’introduction de l’intelligence artificielle (IA) dans le domaine de la création représente un tournant majeur, dont l’impact global, les bénéfices potentiels et les risques sont encore à évaluer pleinement.
Sur le plan légal, des efforts sont faits pour encadrer cette avancée technologique, notamment avec la proposition de réglementation de l’Union Européenne du 21 avril 2021 visant à établir des normes pour l’IA.
Cependant, ces régulations n’abordent délibérément pas les questions de propriété intellectuelle alors que l’expansion d’IA « génératives » (telles que ChatGPT) soulève précisément des enjeux en matière de droit d’auteur :
- Quel est le statut des contenus créés par ces IA génératives ?
- Qui bénéficie du droit d’auteur ?
- Qui est responsable en cas de contrefaçon ?
L’article L. 112‑1 du code de la propriété intellectuelle dispose que « les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. ».
Une œuvre devant, pour être originale, refléter la personnalité de son auteur, le contenu autonome généré par les IA à ce jour nous parait exclu de cette protection.
Mais demain ?
L’article L. 121‑1 du code de la propriété intellectuelle dispose que « l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre ».
En France, des parlementaires ont déposé le 12 septembre 2023 une proposition de loi pour encadrer ces outils d’IA générative et modifier le Code de la propriété intellectuelle, tout en reconnaissant qu’aujourd’hui, il n’est pas possible d’apporter des réponses à un certain nombre de questions que pose l’IA.
Ces députés proposent donc :
- de compléter l’article L.131-3 du Code de la propriété intellectuelle afin de prévoir que l’outil d’IA ne pourra intégrer et exploiter des œuvres protégées par le droit d’auteur qu’avec l’autorisation des titulaires desdits droits
- de compléter l’article L.321-2 du Code de la propriété intellectuelle afin de prévoir que, sauf intervention humaine directe dans le cadre du processus, le contenu généré par l’IA n’ouvre des droits que pour l’auteur (ou ses ayants droit) qui a permis de concevoir le contenu original.
La portée de ces modifications ne nous parait toute relative et somme toute, déjà dépassée par la technologie. Prenons l’exemple de Midjourney : non seulement le contenu est généré sur la base de « prompts » déterminés par les utilisateurs mais surtout, Midjourney n’intègre pas directement des œuvres protégées dans son système. Les utilisateurs peuvent suggérer « le style » qu’ils veulent donner à leur œuvre (par exemple, Claude Monet ou Hokusai) et Midjourney s’inspire de toutes les illustrations similaires disponibles en ligne.
Se pose donc la question de savoir si l’itération d’une œuvre protégée est, ou non, du contenu créatif distinct de l’œuvre originale et protégé comme tel (sujet que nous traitons régulièrement chez Halt Avocats sous l’angle des NFT d’art génératif).
Si le développement de l’IA conduit à lui considérer une personnalité propre, alors l’œuvre créée par l’IA à partir d’une œuvre originale pourrait entrer dans le cadre prévu par l’article L 113-2 du Code de la propriété intellectuelle à savoir, l’œuvre composite (une œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière).
L’œuvre composite est la propriété de l’auteur qui l’a réalisées, sous réserve des droits de l’auteur de l’œuvre préexistante.
On peut conclure en résumant qu’aujourd’hui :
- Les œuvres autonomes produites par l’IA ne bénéficient donc pas de protection par le droit d’auteur et leur exploitation nécessite de respecter les droits patrimoniaux et extrapatrimoniaux de l’auteur de l’œuvre initiale (s’il y en a un) ou de ses ayants droit
- Les œuvres assistées par l’IA, quant à elles, peuvent être protégées (pour l’utilisateur et non l’IA) si une intervention humaine substantielle est démontrée. Le caractère substantiel va donner lieu à des cas d’espèce qui pourront être intéressants dans les années à venir, par exemple : l’intervention humaine qui dicte un prompt à ChatGPT pour que ChatGPT construise un prompt pour Midjourney sera-t-elle considérée comme substantielle ?
Les enjeux liés à l’IA générative appellent à des réflexions profondes sur l’évolution du droit d’auteur, notamment sur la nécessité de redéfinir certains concepts ou d’envisager de nouvelles formes de protection tant la technologie progresse à une vitesse incroyable.
Chez Halt Avocats, nous comprenons et anticipons les enjeux juridiques liés à l’utilisation d’outils d’IA pour que votre seule préoccupation soit le développement de votre projet.
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