NFT et propriété intellectuelle : amis ou ennemis?
La commission des affaires juridiques (« JURI« ) du Parlement européen a commandé une étude réalisée par des universitaires européens spécialistes des questions de propriété intellectuelle et notamment en matière de « copyright » (droit d’auteur anglo-saxon). Il ressort de cette étude que la technologie Blockchain (« DLT ») suscite quelques questions notamment en termes de preuve de propriété juridique, elle offre également de nombreuses opportunités:
La DLT crée des opportunités potentielles dans tous les scénarios dans lesquels la nature
décentralisée ainsi que l’immuabilité de la blockchain peuvent avoir un impact positif. C’est toujours le cas lorsque l’authenticité d’un bien ou d’une information joue un rôle.
L’exemple le plus frappant d’une application DLT dans le contexte d’articles principalement protégés par la loi sur le droit d’auteur sont les NFTEtude Intellectual Property Rights and Distributed Ledger Technology with a focus on art NFTs and Tokenised Art
A ce titre, l’étude dresse un état des lieux plutôt positif de l’émergence des NFT dans le domaine créatif.
Me CARRIER, avocat spécialiste de la règlementation applicable aux NFT, vous propose une analyse synthétique des principaux apports de cette étude.
La qualification du NFT sous l’angle de la propriété intellectuelle
Avant d’aborder les caractéristiques spécifiques des NFT en matière de propriété intellectuelle, les étude rappelle leurs principales caractéristiques fonctionnelles :
- Actif unique
- non fongible
- qui est transféré grâce à la combinaison d’un TokenID et d’un Smart Contract
Pour en savoir plus sur les caractéristiques techniques d’un NFT : Les NFT pour les nuls
Parmi l’éventail des avantages en matière de propriété intellectuelle que les NFT apportent, on peut en citer deux principaux:
- la fonctionnalité d’automatiser les redevances pour l’auteur lors de cessions secondaires :
Dans le contexte d’un NFT, par exemple, une fonction du contrat intelligent permet un transfert
automatique de la propriété du NFT lorsque le paiement est effectué par l’acheteur au vendeur. Une autre fonction commune qui peut être stipulée par le créateur du contrat intelligent est que les redevances de revente sont payées à la revente du NFT.Voir supra
Cette possibilité pour l’auteur de percevoir des redevances ne doit pas être confondu avec le droit de suite (art. L. 122-8 du Code de la propriété intellectuelle). En effet, le droit de suite (qui fait partie des droits inaliénables de l’auteur) suppose qu’un professionnel du marché de l’art est intervenu dans l’opération de vente du NFT (en tant qu’acheteur, vendeur ou négociant).
- la fonctionnalité d’authentification qui offre aux nouvelles dimensions aux œuvres, leur permettant de justifier de leur caractère unique.
On peut penser, notamment, à l’Art génératif (generative tokens) qui en sont l’expression.
Un corpus juridique en matière de propriété intellectuelle plutôt bien adapté aux NFT
En effet, l’étude compare les problématiques en matière de propriété intellectuelle nées de l’émergence des NFT, à celles qui ont émergé lors de la création de l’Internet.
Certains aspects du droit de la propriété intellectuelle manque de clarté, notamment en ce qui concerne la contrefaçon de droit d’auteur en matière de NFT.
Pour en savoir plus sur les problématiques juridiques spécifiques aux NFT: NFT, la Foire aux Questions Juridiques par Halt Avocats
Pour autant, plusieurs aspects liés à la protection supra territoriale de la propriété intellectuelle permettent d’ores et déjà d’apporter des réponses, moyennant quelques ajustements.
Tel est le cas, par exemple, des obligations à la charge des marketplaces prévues dans la Directive sur le droit d’auteur numérique:
Contrairement aux places de marché « normales », où l’on vend simplement des biens (qui peuvent eux-mêmes enfreindre le droit d’auteur ou dont les images peuvent enfreindre le droit d’auteur), les places de marché NFT rendent visibles au public des copies numériques d’œuvres d’art numériques ou physiques. Cela se fait non seulement en servant de place de marché de promotion pour les ventes, mais aussi en fournissant des services pour créer, c’est-à-dire générer, de nouveaux NFT. Malgré ses fonctions de vente, la place de marché NFT semble donc, à première vue, beaucoup plus proche des infractions potentielles au droit d’auteur qu’une « place de marché » typique. En outre, la directive sur le droit d’auteur numérique vise un niveau élevé de protection, ce qui laisse entendre que les exceptions doivent être comprises de manière étroite afin de permettre aux auteurs d’avoir une meilleure position de négociation avec le plus grand nombre possible de plateformes. Tout ceci indique que les places de marché NFT entrent dans le champ d’application de l’article 17 de la directive.
Voir supra
Des ajustements nécessaires pour s’adapter pleinement aux particularités des NFT
Tout d’abord, les inégalités en matière de propriété intellectuelle entre les différents Etats membres peuvent entrainer de fait une distorsion de concurrence entre les Etats qui ont une politique protectrice de la contrefaçon, et les autres.
C’est en tout hypothèse, avec cette considération que la Commission européenne réfléchit actuellement à un cadre harmonisé autour des NFT (en matière de règlementation financière, fiscale, et en matière de propriété intellectuelle). En effet, le Règlement MiCA, qui intègre les NFT dans une certaine mesure (lorsqu’ils acquièrent le caractère de crypto-actifs au sens de ce Règlement), n’a vocation à être exhaustif sur la question.
Par ailleurs, certaines obligations propres aux intermédiaires de l’Art ne sont pas toujours faciles à mettre en application lorsqu’il s’agit de NFT.
Pour reprendre l’exemple des marketplaces et de la Directive sur le droit d’auteur numérique, en matière de retrait d’un NFT suspecté de contrefaçon:
Néanmoins, la contrefaçon par l’intermédiaire du NFT existe toujours : Même si une demande de retrait est traitée, le seul effet est que l’œuvre associée au NFT n’est plus affichée à la vente sur la place de marché, et n’est donc plus mise à la disposition du public sur cette place de marché particulière. Le NFT existe toujours et peut encore être proposé sur d’autres places de marché ou à titre privé. Dans la plupart des cas, les demandes de destruction fondées sur le droit d’auteur ou le droit des marques ne seront probablement pas applicables pour des raisons techniques : si un NFT a déjà été frappé, la place de marché peut ne pas être en mesure de détruire ou de « brûler » le NFT lui-même ou de le récupérer auprès de l’acheteur/son propriétaire actuel. Cela est dû au fait que l’inscription sur la blockchain est immuable, c’est-à-dire qu’elle ne peut pas être supprimée ou modifiée. En général, l’accès au portefeuille de l’acheteur/propriétaire actuel du NFT est dans des circonstances normales techniquement impossible et souvent l’acheteur/propriétaire actuel est anonyme, ce qui rend les procédures judiciaires pour le moins difficiles
Voir supra
Note de l’auteur: cet article se base sur un texte qui a été rendu public en anglais uniquement. Par conséquent le contenu des citations de cet article peut différer d’une traduction officielle.
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