L’émergence du métier d’influenceur sur les réseaux sociaux a entraîné une série d’interrogations sur son statut professionnel. La jurisprudence récente, notamment l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 23 février 2024, éclaire les contours du statut professionnel de l’influenceur en le différenciant clairement de celui de mannequin ou d’artiste-interprète. Cet article se propose d’analyser les enjeux juridiques et pratiques de ce métier, tout en répondant aux défis posés par sa reconnaissance dans le droit français.
Une clarification bienvenue sur le statut professionnel de l’influenceur
Ni mannequin, ni artiste-interprète : une distinction essentielle sur le statut de l’influenceur
La Cour d’appel de Paris a souligné dans son arrêt que les prestations des influenceurs, bien que mobilisant leur image, ne relèvent ni de l’activité de mannequin au sens de l’article L.7123-2 du Code du travail, ni de celle d’artiste-interprète définie par l’article L.212-1 du Code de la propriété intellectuelle.
En effet, contrairement aux mannequins, les influenceurs conservent une liberté dans la création et la mise en scène de leurs contenus. Ils ne se limitent pas à poser selon des directives précises, mais apportent une véritable valeur ajoutée créative à leurs publications. De même, ils ne jouent aucun rôle prédéfini ni n’interprètent un texte imposé, comme pourrait le faire un artiste-interprète.
Une activité économique spécifique : l’influence commerciale
Le statut professionnel de l’influenceur s’analyse comme une forme moderne de communication commerciale :
- Ils mobilisent leur notoriété pour promouvoir des produits, services ou causes par voie électronique.
- Cette activité repose sur des partenariats rémunérés, où l’influenceur dispose généralement d’une liberté dans la présentation des contenus, sauf cas particuliers.
Ainsi, leur métier s’inscrit davantage dans le cadre du droit commercial, sauf si un lien de subordination peut être démontré, ce qui ouvrirait la voie à une requalification en contrat de travail.
Régime juridique et responsabilités des influenceurs
Un cadre contractuel adaptable au statut professionnel
Les relations entre influenceurs et agences ou annonceurs doivent être contractualisées de manière claire. Selon les prestations attendues et les modalités de réalisation, les contrats peuvent relever de :
- Contrats commerciaux : pour les collaborations ponctuelles ou les partenariats.
- Contrats de travail : si des éléments caractéristiques de subordination (feuilles de route strictes, horaires imposés, contrôle hiérarchique) sont présents.
La Cour a rappelé que le juge n’est pas lié par la qualification donnée au contrat par les parties et peut requalifier le statut de l’influenceur en fonction des faits.
Transparence et protection des consommateurs
Les influenceurs doivent se conformer à des obligations strictes, notamment issues de la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023. Ces règles incluent :
- L’identification claire des contenus sponsorisés pour éviter toute publicité déguisée.
- La responsabilité vis-à-vis des produits promus, notamment en cas d’allégations mensongères ou trompeuses.
Les manquements à ces obligations peuvent entraîner des sanctions financières, voire des interdictions temporaires d’exercer.
Enjeux pratiques et perspectives du statut professionnel de l’influenceur
Une profession en quête de reconnaissance
L’arrêt du 23 février 2024 constitue une étape importante dans la structuration du statut professionnel des influenceurs, mais des zones d’ombre subsistent :
- Manque d’un cadre unifié : La diversité des activités des influenceurs complique leur classification.
- Risques de requalification : Une mauvaise rédaction des contrats peut exposer les parties à des contentieux.
La pratique de l’activité d’influenceur amenée à évoluer
L’avenir du métier d’influenceur dépendra largement de sa capacité à s’adapter à un cadre juridique et économique en mutation. Parmi les évolutions possibles, citons :
- Une régulation accrue pour protéger les consommateurs et encadrer les pratiques commerciales.
- L’internationalisation des collaborations : Avec des partenariats au-delà des frontières, les influenceurs devront composer avec des régimes juridiques variés.
Conclusion : vers une reconnaissance du statut professionnel de l’influenceur
Le statut professionnel de l’influenceur, tel que précisé par la jurisprudence récente, met en lumière la spécificité de cette activité hybride, située à la croisée du droit commercial et de la communication. Si des progrès notables ont été réalisés, il est impératif que les influenceurs s’entourent d’experts juridiques pour sécuriser leurs activités et anticiper les évolutions réglementaires. Cela leur permettra de continuer à jouer un rôle clé dans l’économie numérique, tout en protégeant leurs droits et ceux de leur audience.
Marina Carrier
Avocat associé @Halt Avocats – Lauréat du Palmarès du droit Toulouse 2024 dans la catégorie « technologies de l’information »
Droit financier, nouvelles technologies et propriété intellectuelle