L’activité des influenceurs sur les réseaux sociaux (ces personnalités publiques qui, par leur notoriété, sont en mesure de nous faire acheter des produits, changer nos habitudes, ou encore adhérer à des causes) est un sujet brûlant. Longtemps restée en marge du cadre juridique, l’activité d’influenceur est enfin prise en compte par la loi du 9 juin 2023, publiée au Journal Officiel le 10 juin 2023. Elle vise à mieux définir et encadrer le rôle de ces acteurs, qui peuvent être, soit mineurs, soit suivis par un public mineur, afin de lutter contre certaines dérives et arnaques. Voyons de quoi il en retourne.
Cadre juridique des influenceurs : une définition et des obligations
Un cadre juridique qui concerne les influenceurs ainsi que leur entourage
La loi du 9 juin 2023 définit les influenceurs comme des personnes physiques ou morales (donc à travers une entité juridique) qui, moyennant rémunération ou avantages en nature, « mobilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer » en ligne « des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque« . Cela concerne tous les acteurs du secteur, y compris les mineurs, les agents d’influenceurs, les annonceurs, et les plateformes hébergeant leurs contenus.
La loi impose un « contrat influenceur » écrit, incluant des clauses obligatoires, entre influenceurs et leur agent, ou directement avec les annonceurs, dès lors qu’un certain seuil de rémunération ou d’avantages en nature est atteint (ces seuils devant être fixés par décret en Conseil d’Etat).
Des dispositions spécifiques aux influenceurs mineurs sont prévues aux articles 7124-1 et suivants du Code du travail
le principe de la responsabilité solidaire entre influenceur, agents d’influenceurs, et annonceurs
L’activité d’agent d’influenceur est définie à l’article 7 de la loi comme celle qui « consiste à représenter, à titre onéreux, les personnes physiques ou morales exerçant l’activité d’influence commerciale par voie électronique (…) avec des personnes physiques ou morales et, le cas échéant, leurs mandataires, dans le but de promouvoir, à titre onéreux, des biens, des services ou une cause quelconque ».
Les agents d’influenceurs sont désormais tenus de prendre toutes les mesures nécessaires (il s’agit donc d’une obligation de moyens, pas de résultat) afin d’éviter les conflits d’intérêts et veiller au respect de leurs obligations par les influenceurs.
L’établissement d’un contrat entre l’agent et l’influenceur était auparavant conseillé, c’est désormais obligatoire. Ce contrat devra notamment détailler les modalités de rémunération (avantages directs et indirects), ainsi que les modalités relatives à la titularité des droits de propriété intellectuelle.
L’article 8 prévoit que l’influenceur, l’annonceur ou son mandataire et l’agent sont « solidairement responsables des dommages causés aux tiers dans l’exécution du contrat d’influence commerciale ».
De nouvelles obligations à la charge des hébergeurs en ligne qui diffusent les contenus des influenceurs
Les fournisseurs de services d’hébergement devront mettre en place un dispositif de signalement de tout contenu illicite, et devront publiquement communiquer sur leurs activités concrètes de modération des contenus.
Interdictions et restrictions relatives à la promotion par les influenceurs de certains produits
L’introduction de mentions obligatoires dans les contenus audiovisuels
Face aux dérives constatées, la loi du 9 juin 2023 encadre et interdit certaines publicités sur les réseaux sociaux, et renforce les obligations d’information des abonnés. Les influenceurs doivent clairement indiquer la mention « publicité » ou « collaboration commerciale » sur leurs contenus promotionnels, et les photos ou vidéos retouchées doivent contenir la mention « images retouchées » ou « images virtuelles ».
Les publicités concernant certains produits et services, comme la chirurgie esthétique, les crypto-actifs, ou des sachets de nicotine (produit ayant fait l’objet de campagnes sur TikTok visant à « glamouriser » leur usage), ou l’abonnement à du conseil/pronostic sportif sont désormais interdites. Les influenceurs qui contreviendraient à ces obligations s’exposent à des peines de prison et de lourdes amendes.
L’article 2 de la loi vient notamment rappeler que sont applicables aux influenceurs les interdictions qui préexistaient déjà sur certains produits et services spécifiques, notamment :
- L’interdiction du démarchage pour les produits et services assimilés financiers, notamment les crypto-actifs (articles L 341-1 à L.341-17 du Code monétaire et financier)
- L’interdiction de la publicité en ligne , « quasi-publicité » en ligne, du parrainage, du mécénat, notamment pour les produits et services assimilés financiers (articles L222-16-1 et L 222-16-2 du Code de la consommation), texte qui présentait de nombreux « trous dans la raquette »
- L’interdiction des pratiques commerciales trompeuses (article L 121-4 du Code de la consommation).
Concernant la question des crypto-actifs, le texte va plus loin en incluant spécifiquement une interdiction de l’activité d’influence (rappel : la promotion directe ou indirecte auprès de sa communauté par le biais de contenus audio-visuels) :
- pour les services sur crypto-actifs visés à l’article L.54-10-2 du Code monétaire et financier, lorsque le PSAN (Prestataire de services sur actifs numériques) n’a pas obtenu un enregistrement ou un agrément auprès de l’Autorité des Marchés Financiers
- pour des crypto-actifs dès lors qu’ils font l’objet d’un des services précédemment cités ; c’est-à-dire que les protocoles complètement décentralisés semblent en dehors du périmètre d’application du texte.
- Pour des offres au public de crypto-actifs soumises au Code monétaire et financier et au titre desquelles l’émetteur n’a pas obtenu le visa de l’AMF (les offres « privées » ou les « airdrops » étant par conséquent exclues).
La sanction en cas de non-respect de cette interdiction est une amende de 100 000 €.
Des sanctions et des contrôles renforcés
Le cadre juridique des influenceurs prévoit désormais des dispositions relatives aux influenceurs expatriés
Les influenceurs résidant en dehors de l’Union européenne devront désigner un représentant légal, qui sera tenu de répondre pour eux du respect de leurs obligations et, le cas échéant, des sanctions prononcées, outre la souscription d’une assurance responsabilité civile, dans l’Union Européenne, s’ils visent un public en France.
Selon les critères communément admis, on considèrera par exemple que l’influenceur s’adresse à un public français lorsque sa communication est en langue française, qu’il cible des médias français, qu’il utilise un site avec une extension en .fr, ces critères n’étant pas cumulatifs.
Ces nouvelles dispositions visent à intégrer dans le cadre juridique des influenceurs ceux qui, expatriés à l’étranger (notamment à Dubaï) s’adressent à un public français à travers les réseaux sociaux (Youtube, TikTok, etc), pour la promotion de produits ou services régulés (notamment les cryptoactifs ou les actes chirurgicaux).
Reste à voir comment les contrôles et sanctions sur ces influenceurs à l’étranger seront mises en pratique. Il pourrait notamment s’agir de passer par les plateformes en ligne pour supprimer les vidéos concernées.
Un renforcement des pouvoirs de contrôle et de sanction de la DGCCRF
La loi prévoit également des sanctions et des contrôles renforcés pour ceux qui enfreindraient le nouveau cadre juridique des influenceurs. Les pouvoirs de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) sont élargis, et les réseaux sociaux sont tenus de coopérer avec l’État pour réguler l’influence commerciale.
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