tout ce qu'il faut savoir sur les avocats spécialisés blockchain

Loi SREN : nouvelles obligations pour les jeux web3

par 11 Avr 2024Blockchain

Accueil » Blog » Blockchain » Loi SREN : nouvelles obligations pour les jeux web3

Le projet de loi SREN a été définitivement adopté par l’assemblée nationale ce mercredi 10 avril après le passage du texte en Commission Mixte Paritaire. 

La loi prévoit aux articles 15 et 15 bis un nouveau dispositif pour les entreprises de jeux impliquant des objets numériques monétisables (Jonum), une initiative qui s’inscrit à la croisée des évolutions numériques comme le Web 3, la blockchain, et les jeux en ligne.

Cette législation, pour la première fois, définit clairement ce que sont les Jonum, afin de permettre leur exploitation dans un environnement sécurisé, avec une attention particulière portée aux effets potentiels sur l’ordre public, la santé des usagers, et surtout la protection des mineurs.

En s’appuyant sur les technologies blockchain, ces jeux offrent la possibilité d’utiliser des jetons numériques dans un environnement de jeu, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives économiques qui impliquent une régulation adaptée.

Dans cet article Halt Avocats, cabinet spécialisé dans l’innovation et notamment les technologies blockchain vous donne les clés pour mieux comprendre ce nouveau régime obligatoire pour les jeux Web3.

 Contexte de la loi SREN

L’émergence des jeux à objets numériques monétisables (Jonum)

Les jeux à objets numériques monétisables qui fusionnent l’univers des jeux vidéo avec celui des jeux d’argent et de hasard, ont introduit une nouvelle dimension dans le secteur du divertissement en ligne et du web3, posant ainsi un défi réglementaire inédit pour les législateurs français.

Avec les Jonum, les frontières entre le plaisir ludique et l’investissement financier s’estompent. Ces jeux, alimentés par des technologies de pointe telles que la blockchain, les crypto-actifs, et les jetons non fongibles (NFT), permettent aux joueurs non seulement de participer et progresser dans des univers virtuels mais aussi de monétiser leur expérience de jeu. Cette possibilité de « jouer pour gagner »(« Play to earn ») transforme radicalement l’approche traditionnelle du jeu, introduisant des objets virtuels à valeur réelle pouvant être vendus ou échangés sur des plateformes dédiées.

Les enjeux juridiques et économiques

Cette évolution, bien que prometteuse en termes d’innovation et de développement économique, n’est pas exempte de risques. Sans une définition juridique claire et un cadre de régulation adapté, les Jonum pourraient engendrer des problématiques liées à la protection des mineurs, et à la santé publique. L’absence de régulation ouvre la porte à des comportements de jeu excessif ou pathologique, similaires à ceux observés dans les jeux d’argent traditionnels, sans parler des (éventuels) risques de fraude ou de blanchiment d’argent liés à la nature même des transactions dans certains de ces jeux.

Les principales dispositions de la loi SREN

Définition et encadrement des Jonum

Un cadre expérimental pour les entreprise de jeux à objets numériques monétisables

La loi SREN met en place un dispositif expérimental, d’une durée de trois ans à compter de la promulgation de la loi, qui autorise l’exploitation des Jonum sous réserve d’une série de conditions rigoureuses. Ces conditions viseront principalement à éviter les dérives potentielles telles que l’addiction au jeu, la fraude, ou encore le blanchiment d’argent, qui pourraient émerger de l’exploitation commerciale de ces nouveaux types de jeux.

Pour encadrer cette expérimentation, un décret en Conseil d’État, élaboré en concertation avec l’Autorité Nationale des Jeux et les parties prenantes du secteur, délimitera les contours précis de l’application de ces nouvelles règles. Cela comprend la définition des objets numériques monétisables, les modalités de leur échange, ainsi que les mesures visant à protéger les participants, en particulier les mineurs à qui l’accès devra être interdit.

Critères de distinction des Jonum par rapport aux jeux traditionnels

La loi SREN introduit un concept nouveau dans le paysage français des jetons numériques : celui des objets numériques monétisables. Ces objets, souvent mentionnés dans le cadre des jeux en ligne, représentent des éléments de jeu qui accordent aux joueurs certains droits exclusifs, comme la possibilité de progresser dans un jeu ou d’obtenir des avantages compétitifs. Ce qui les rend particulièrement uniques, c’est leur capacité à être échangés ou vendus, offrant ainsi une dimension monétisable à l’expérience de jeu.

Au sens de la loi SREN, ces objets sont définis précisément pour distinguer clairement les jeux vidéo traditionnels des jeux intégrant des transactions financières. Cela englobe les jeux basés sur la technologie blockchain, où les jouets ou les personnages peuvent être acquis via des transactions réelles et ensuite échangés ou revendus. L’aspect clé de cette définition réside dans l’exigence que ces transactions apportent un bénéfice financier potentiel au joueur, sortant ainsi du cadre des jeux purement ludiques pour toucher celui des jeux d’argent.

L’intérêt de la loi SREN, en tout cas pour le législateur, est de pallier partiellement les vides laissés par le Règlement MiCA sur la régulation des jetons non fongibles puisque ces derniers sont (lorsqu’ils sont réellement fongibles au sens du Règlement) exclus du passeport européen relatif aux services sur cryptoactifs.

Protection des usagers et intégrité des jeux

Mesures contre le jeu excessif et la protection des mineurs

La loi permet aux entreprises de proposer ces jeux dans un environnement régulé, sous la condition que les activités ne conduisent pas à l’obtention d’un gain monétaire direct (en monnaie ayant cours légal) pour le joueur et que ces objets numériques monétisables soient clairement définis et respectent certaines contraintes.

Par exemple, ces objets doivent conférer des droits de jeu exclusifs aux joueurs et le recours à la monnaie légale (par l’intermédiaire de récompenses ou de facilitation de prêts entre joueurs) est formellement interdit, excluant ainsi la possibilité pour ces jeux d’opérer comme des casinos en ligne déguisés.

L’entreprise de jeux à objets numériques monétisables doit également mettre à la disposition du joueur, de manière permanente et aisément accessible, une synthèse des données relatives à son activité de jeu en vue de prévenir les comportements de jeu excessifs. Des mécanismes d’auto limitation et d’auto-exclusion devront être proposés en fonction des dépenses et du temps de jeu.

Cette approche vise à équilibrer l’innovation dans le secteur des jeux vidéo avec les impératifs de régulation et de protection des usagers, notamment les plus vulnérables.

Sur ce point, les entreprises de jeux à objets numériques monétisables sont tenues d’empêcher la participation des mineurs, même émancipés, à un jeu à titre onéreux et devront pour ce faire :

  • Mettre en place un compte de joueur obligatoire qui servira à vérifier l’âge du client et à l’identifier selon la règlementation anti-blanchiment, et dont les modalités d’ouverture, de gestion et de clôture seront imposées à l’entreprise de jeux (décret à venir)
  • Avoir recours à un dispositif de vérification de l’âge conforme au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données
  • Mettre en place sur l’interface de jeu un message avertissant que ce jeu est interdit aux mineurs.

Régulation des transactions et prévention de la fraude

Les entreprises de jeux à objets numériques monétisables seront assujetties à des obligations en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme prévues aux articles L. 561-2 et suivants du Code monétaire et financier.

Cependant, la mise en œuvre de ce dispositif est décalée, les entreprises ayant 18 mois pour se mettre en conformité à compter de la promulgation de la loi.

En outre le contrôle de ces obligations relèvera du périmètre de l’Autorité Nationale des Jeux et non de l’AMF ou de l’ACPR, qui devra adapter de manière proportionnée les modalités, l’intensité et la fréquence de ses contrôles en fonction des risques identifiés, en tenant notamment compte des caractéristiques techniques du jeu à objets numériques monétisables.

Déclarations préalables et conditions d’exercice de l’exploitation

Déclaration préalable à l’ANJ

Avant de proposer son offre de jeu au public, l’entreprise doit se déclarer préalablement à l’Autorité Nationale des Jeux.

Le contenu du dossier et les modalités de dépôt seront fixés par l’ANJ ainsi qu’un décret pris en Conseil d’Etat.

Dans le cadre de cette déclaration, l’entreprise de jeux à objets monétisables s’engage à :

  • Respecter les obligations décrites supra
  • Signaler au régulateur tout changement substantiel dans son activité
  • Être établie dans un Etat membre de l’UE ou de l’EEE
  • Ne pas détenir directement ou indirectement un ou plusieurs des Jonum qu’elle propose au public
  • tenir à la disposition de l’Autorité nationale des jeux les données relatives aux joueurs, aux évènements de jeu et aux opérations financières associées.

Sanctions en cas d’exploitation ou de promotion de jeux illicites

    Si l’entreprise de jeu à objets numériques monétisables manque à ses obligations légales ou règlementaires, elle se verra notifier un simple rappel à la loi ou une mise en demeure de se mettre en conformité ou de présenter ses observations en vue d’une future sanction, laquelle peut être rendue publique.

    En cas de non-conformité l’ANJ peut prononcer les sanctions suivantes, en fonction de la gravité du manquement :

    1° L’avertissement ;

    2° La suspension à titre provisoire, pour une durée maximale de trois mois, de l’exploitation du jeu ;

    3° L’interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de l’exploitation du jeu ou de l’ensemble des jeux concernés ;

    4° L’interdiction, pour une durée de trois ans au plus, pour l’exploitant d’exercer une activité d’exploitation de jeux à objets numériques monétisables.

    Quant à ceux qui feraient la promotion d’un jeu illicite,  la loi prévoit une sanction de 100 000 euros d’amende qui fait écho aux dispositions similaires prévues par la Loi Influenceurs du 9 juin 2023 concernant les offres de cryptoactifs et les services sur cryptoactifs non régulés.

    La même amende est prévue pour l’entreprise de jeu qui ferait obstruction à un contrôle ou fournirait délibérément des informations inexactes.

    Evaluation et ajustement du cadre réglementaire

    Bilan d’étape et rapport d’évaluation par le gouvernement

    À mi-parcours de l’expérimentation, un bilan intermédiaire sera effectué pour évaluer les impacts économiques, sanitaires, et la conformité des entreprises de jeux Web3 aux obligations légales. Ce bilan inclut des retours sur le développement du marché des jeux à objets numériques monétisables, l’impact économique sur les jeux traditionnels et les filières du jeu d’argent et de hasard, ainsi que l’efficacité des mesures de protection des usagers.

    Perspectives d’ajustement du cadre législatif après la phase expérimentale

    Six mois avant la fin de l’expérimentation, le gouvernement présentera un rapport d’évaluation au Parlement, proposant des ajustements législatifs basés sur les résultats de l’expérimentation. Ce rapport vise à intégrer de manière durable les jeux Web3 dans le paysage législatif français, en tenant compte de l’évolution technologique et des enjeux économiques et sociaux.

    Conclusion

    La loi SREN marque un tournant réglementaire en proposant un cadre expérimental pour l’intégration des jeux à objets numériques monétisables dans l’économie numérique française. Elle adresse les défis juridiques, économiques, et sanitaires posés par ces nouvelles formes de jeux, tout en soutenant l’innovation et le développement économique.

    La réussite de l’intégration des jeux Web3 dans l’économie numérique dépend de la collaboration étroite entre le gouvernement, les développeurs de jeux, et la communauté des joueurs. Cette coopération est essentielle pour ajuster le cadre réglementaire, encourager l’innovation, et assurer la protection des usagers.

     

    Cabinet implanté à Toulouse et Paris, Halt Avocats est composée d’une équipe d’avocats expérimentés et possédant une expertise de pointe en matière de technologies de rupture (intelligence artificielle, blockchains …). Partenaire de la French tech, notre département IT accompagne les startups dans leurs projets liés à la technologie blockchain.

    Une projet, des questions ? N’hésitez pas à nous contacter pour en savoir plus sur nos modalités d’accompagnement.

    Halt Avocats

    Halt Avocats

    Fort de leur expérience (+10 ans) et de leur polyvalence, nos associés sont devenus des acteurs incontournable dans le domaine du droit des affaires et des innovations. Leur engagement envers leurs clients est sans faille, leur professionnalisme est reconnu et leur expertise largement appréciée. Avec Halt Avocats, les entreprises peuvent compter sur un accompagnement juridique sur-mesure pour répondre à tous leurs besoins en matière de droit des affaires et de technologies de rupture.