Le droit à l’image, considéré comme un attribut fondamental de la personnalité, permet à toute personne de contrôler l’utilisation de son image. Ce droit, protégé par l’article 9 du Code civil, s’applique également aux droit à l’image des sportifs, lequel revêt une importance particulière à l’ère du numérique et des réseaux sociaux. Avec l’émergence de nouvelles formes de sponsoring et de commercialisation, telles que les NFT et le métavers, l’exploitation de l’image des sportifs s’intensifie et pose nouveaux défis juridiques, que ce soit en termes de propriété intellectuelle ou de protection de la vie privée.
Cet article vise à analyser le cadre juridique du droit à l’image des sportifs, ses spécificités, et les nouveaux enjeux posés par l’évolution numérique et les pratiques modernes de sponsoring.
Le cadre juridique général du droit à l’image
Les fondements du droit à l’image
Le droit à l’image trouve ses fondements dans l’article 9 du Code civil, qui consacre le droit de chaque individu au respect de sa vie privée. Les juges, au fil de la jurisprudence, ont progressivement renforcé ce droit, notamment en matière d’autorisation préalable à l’utilisation de l’image d’une personne. La jurisprudence a également établi des éléments constitutifs précis pour protéger ce droit, tels que la fixation de l’image, son caractère distinctif, et les éventuelles atteintes à l’honneur ou à la réputation.
La portée du droit à l’image
Le droit à l’image se décline en deux volets : un droit patrimonial et un droit moral. Le droit patrimonial permet au titulaire de monnayer l’utilisation de son image, particulièrement important dans le cas des sportifs, pour lesquels cette exploitation peut générer des revenus substantiels. Quant au droit moral, il protège la dignité de la personne en interdisant toute utilisation de l’image susceptible de porter atteinte à sa réputation ou à son intégrité.
Les spécificités du droit à l’image des sportifs
Le statut particulier du sportif quand à son droit à l’image
Les sportifs occupent une position unique en matière de droit à l’image, oscillant entre leur statut de salarié, d’entrepreneur individuel et de personnalité publique. Leurs performances sportives leur confèrent une notoriété qui peut être exploitée à des fins commerciales, et l’image du sportif devient ainsi une source importante de revenus. En tant que personnalités publiques, les sportifs sont souvent au cœur de contrats d’image, de sponsoring ou de parrainage. Ces contrats de droit à l’image permettent aux sponsors d’exploiter leur notoriété pour promouvoir des produits ou services, en contrepartie d’un soutien financier ou matériel.
Cependant, même sans contrat de droit à l’image, le droit commun protège l’image du sportif. Selon l’article 9 du Code civil, tout individu, y compris un sportif, peut s’opposer à l’utilisation non autorisée de son image et demander réparation en cas de préjudice, qu’il soit moral ou économique.
Les enjeux économiques liés à l’exploitation de l’image du sportif
Le droit à l’image représente souvent la deuxième source de revenus des sportifs, après leurs performances. Avec l’explosion des contrats de sponsoring, la valorisation de l’image des sportifs s’est complexifiée, intégrant parfois l’utilisation de marques ou logos pour renforcer leur notoriété. Certains sportifs déposent même leur nom ou une représentation stylisée de leur image sous forme de marque pour assurer une protection et une exploitation commerciales plus étendues. Des exemples emblématiques incluent Michael Jordan, Usain Bolt et Kylian Mbappé, dont les logos ou postures iconiques sont désormais protégés par le droit des marques.
Les contrats de sponsoring : un enjeu central
Les contrats de sponsoring sont au cœur de l’exploitation du droit à l’image des sportifs. Ces contrats permettent aux sponsors de bénéficier de l’image du sportif pour promouvoir des produits ou des services. En contrepartie, les sportifs reçoivent un soutien financier ou matériel. Ces contrats comportent souvent des clauses spécifiques concernant les droits de l’image, les obligations de comportement public, ainsi que des engagements à participer à des événements promotionnels et l’obligation de mise à jour régulière, par les sportifs, de leur profil sur les réseaux sociaux au moyen de différents « post » valorisant l’image du sponsor et de ses produits.
Les négociations autour de ces contrats sont parfois déséquilibrées, avec des sponsors cherchant à maximiser leur contrôle sur l’image du sportif, ce qui peut entraîner des tensions. Il est donc crucial pour les sportifs de s’entourer d’experts capables de négocier des accords équilibrés et protecteurs.
L’impact du numérique sur le droit à l’image des sportifs
Les réseaux sociaux : un terrain de jeu complexe
Les réseaux sociaux ont profondément bouleversé la manière dont les images des sportifs sont diffusées et exploitées. L’utilisation non autorisée de l’image des sportifs sur ces plateformes est fréquente. Dans certains cas, les contenus générés par les utilisateurs, tels que des vidéos ou des photographies, sont partagés sans l’autorisation des sportifs concernés, ce qui peut donner lieu à des atteintes à leur droit à l’image.
De plus, les droits des plateformes qui hébergent ces contenus soulèvent des questions complexes. Ces plateformes peuvent revendiquer des droits sur les contenus publiés, compliquant encore la protection de l’image des sportifs sur le plan juridique.
Les NFT et le métavers : de nouveaux enjeux pour les sportifs et leur droit à l’image
L’essor des technologies comme les NFT (non fungible tokens, ou jetons non fongibles) et le métavers génèrent de nouveaux enjeux en matière de droit à l’image. Les NFT permettent de créer et de vendre des représentations numériques uniques de l’image d’un sportif, lui permettant de monétiser celle-ci sans forcément passer par un intermédiaire, et de fidéliser sa fan base (en insérant des goodies dans le NFT tels que du contenu exclusif).
Par exemple, des cartes numériques ou des objets virtuels à l’effigie des sportifs sont désormais commercialisés, générant de nouvelles sources de revenus mais aussi de nouveaux risques juridiques. En effet, par définition la technologie blockchain rend tout ce qui y est stocké immuable aussi, il est impossible de supprimer des données qui y sont enregistrées sauf à utiliser une technologie intermédiaire (comme IPFS).
Dans le métavers, l’utilisation de l’image des sportifs dans des mondes virtuels pose également des questions de plus en plus complexes. Les droits à l’image dans ces environnements numériques ne sont pas encore clairement définis, et des tensions émergent autour de la commercialisation non autorisée de ces images dans des contextes virtuels.
La protection des données personnelles
La collecte et l’utilisation des données personnelles des sportifs, y compris leur image, deviennent des enjeux cruciaux dans l’environnement numérique. La protection des données personnelles, régie par des textes comme le RGPD en Europe, s’applique également aux sportifs. Cela inclut la gestion des informations liées à leur image, mais aussi à leurs performances et leur suivi médical, souvent exploités dans le cadre de partenariats avec des sponsors ou des plateformes numériques.
Les nouvelles formes de sponsoring et leurs implications
Le sponsoring d’influence : un modèle en expansion
Le sponsoring d’influence est une pratique de plus en plus courante dans le monde du sport, où les sportifs sont non seulement des athlètes, mais aussi des influenceurs sur les réseaux sociaux. Ces plateformes leur permettent de toucher un large public, ce qui attire les marques souhaitant s’associer à leur image. Cependant, cette forme de sponsoring n’est pas sans risques juridiques. Les sportifs peuvent être accusés de publicité mensongère ou de parasitisme lorsqu’ils promeuvent des produits sans transparence ou en violation des règles de la publicité. Les obligations en matière de transparence sont de plus en plus strictes, notamment avec des lois encadrant la promotion des produits sur les réseaux sociaux.
En outre, la prolifération des partenariats avec des influenceurs sportifs soulève des questions quant à la gestion des droits à l’image dans ce contexte, notamment lorsqu’il s’agit de droits d’auteur et de licences sur les contenus produits.
Le sponsoring lié aux paris sportifs : enjeux éthiques et juridiques
Les contrats de sponsoring entre sportifs et entreprises de paris sportifs sont devenus une source importante de revenus. Toutefois, cette pratique soulève des enjeux éthiques et juridiques spécifiques. Le lien entre les paris et le sport est particulièrement délicat, car il peut conduire à des situations de conflits d’intérêts, voire de manipulation des résultats sportifs. C’est pourquoi une réglementation spécifique encadre strictement ces partenariats.
En France, les contrats de sponsoring liés aux paris sportifs sont soumis à la régulation de l’Autorité Nationale des Jeux (ANJ). Les sportifs doivent également se conformer aux codes de conduite des fédérations sportives, qui peuvent restreindre leur association avec des entreprises de jeux d’argent et de hasard.
Un nouveau cadre règlementaire a été crée pour les JONUM, ces jeux en circuit fermé (comme la plateforme Sorare, par exemple) permettant à une communauté d’échanger des NFT sans contrepartie monétaire, ce qui les excluait de fait de la règlementation relative aux jeux d’argent.
Le sponsoring lié aux cryptomonnaies et aux NFT : risques et réglementation
Le marché des cryptomonnaies et des NFT (Non Fungible Tokens, ou Jetons Non Fongibles) a également envahi le monde du sponsoring sportif. Les entreprises liées aux cryptoactifs trouvent en effet un terrain fertile pour promouvoir leurs produits à travers l’image des sportifs. Cependant, ces nouvelles formes de sponsoring comportent des risques importants. Les cryptomonnaies sont connues pour leur volatilité, et les sportifs peuvent se retrouver associés à des produits financiers instables voire des projets authentiquement frauduleux (scams), ce qui peut ternir leur image publique.
De plus, des fraudes ou des arnaques peuvent survenir dans le cadre de partenariats mal encadrés, notamment en matière de NFT. Ces objets numériques uniques sont souvent utilisés pour représenter des sportifs, mais les litiges liés à la propriété intellectuelle et au droit à l’image des sportifs se multiplient. Il est donc essentiel que les sportifs et leurs agents soient bien informés des risques avant de signer des contrats de sponsoring dans ces secteurs. Enfin, certaines activités de sponsoring liées aux cryptoactifs sont purement et simplement interdites en France.
Les enjeux de la protection du droit à l’image des sportifs à l’ère numérique
Le rôle des fédérations sportives
Les fédérations sportives jouent un rôle clé dans l’encadrement des pratiques liées à l’exploitation du droit à l’image des sportifs. Elles établissent des règles et des codes de conduite pour s’assurer que les droits des sportifs sont respectés tout en permettant une exploitation commerciale contrôlée de leur image. Les fédérations peuvent également intervenir dans la négociation des contrats de sponsoring pour protéger les sportifs contre les abus. Dans le cas de la gestion des équipes nationales, les fédérations sportives sont amenées à traiter directement les contrats de sponsoring liant les sportifs aux sponsors, et notamment les intérêts de chaque partie. Par exemple, la fédération française de football permet désormais de concrétiser contractuellement la possibilité pour chaque joueur de décider à titre individuel et de manière unilatérale, de ne pas participer aux opérations commerciales d’un sponsor qui iraient à l’encontre de l’image du joueur ou viendraient concurrencer un de ses sponsors.
Le rôle des agents sportifs et des avocats mandataires sportifs
Les agents sportifs sont essentiels dans la défense des intérêts des athlètes en matière de droit à l’image puisqu’ils souvent chargés de négocier les partenariats publicitaires
Il en va de même des avocats mandataires sportifs qui assurent la pérennité juridique des contrats de sponsoring conclus entre sportifs / clubs et sponsors.
Les avocats mandataires sportifs négocient les contrats de sponsoring et veillent à ce que les sportifs ne cèdent pas excessivement leurs droits à l’image.
Le rôle des autorités de régulation
En plus des fédérations sportives et des mandataires de sportifs, les autorités de régulation, telles que la CNIL pour la protection des données personnelles ou l’ANJ pour les jeux d’argent/jeux à objets numériques monétisables, ont également un rôle à jouer dans la protection des droits des sportifs à l’ère numérique. Ces organismes veillent au respect de la législation, notamment en matière de collecte de données et de régulation des contrats de sponsoring liés aux nouvelles technologies.
Conclusion
L’essor du numérique et des nouvelles formes de sponsoring a bouleversé le cadre juridique du droit à l’image des sportifs. Entre réseaux sociaux, NFT et contrats de sponsoring de plus en plus complexes, les sportifs doivent désormais naviguer dans un environnement juridique en perpétuelle évolution. Il est essentiel que les sportifs, leurs agents, ainsi que les fédérations et autorités de régulation collaborent pour protéger le droit à l’image des sportifs tout en permettant son exploitation de manière équitable et sécurisée.
Les auteurs
Marina CARRIER
Avocat associé
Droit des affaires et des nouvelles technologies
Arnaud MALIK
Avocat collaborateur
Droit des affaires et droit du sport
Avocat mandataire sportif
Vous êtes sportif et vous vous posez des questions sur votre droit à l’image?
Notre cabinet d’avocats en droit du sport vous répond! N’hésitez pas à nous contacter pour prendre rendez-vous.